Le championnat national d’élite de football de la Tanzanie appelé la « NBC Premier League » est sous le feu des projecteurs ces dernières années. Les joueurs africains surtout ceux d’Afrique subsaharienne et orientale n’hésitent plus à prendre la direction de la Tanzanie, ce pays situé en Afrique de l’Est. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet exode des joueurs dans ce championnat devenu de nos jours, l’eldorado des professionnels du ballon rond en Afrique.

Il y a quelques années, quand on évoquait les meilleurs championnats de football en Afrique, il fallait tout simplement citer les ligues du Maghreb dont celles de l’Egypte, de la Tunisie et du Maroc et plus ou moins l’Afrique centrale avec la Linafoot RDC, le championnat congolais. De nos jours, la donne a un peu changé. Si l’Afrique du Nord est toujours respectée avec ses championnats d’un niveau acceptable, il faudra aussi composer désormais avec l’Afrique de l’Est et plus précisément la Tanzanie.

Organisation sérieuse, bon niveau de jeu et surtout de bonnes conditions de vie pour les athlètes, la NBC Premier League a amorcé une marche considérable vers « le professionnalisme » à l’image du Botola Pro marocain ou la première ligue égyptienne. Pendant ce temps, l’Afrique occidentale et celle centrale stagnent toujours.

Du foot business mieux développé pour répondre aux exigences du football moderne

Pour pouvoir sortir de l’ornière, le championnat tanzanien a d’abord eu recours à des soutiens de ses partenaires européens. Et l’un de ses partenaires stratégiques est la Liga Espagnole selon les explications du consultant sportif de la télévision New World tv et spécialiste du foot africain Anthony Pla que nous avons contacté. « Les clubs comme Young Africans et Simba ont bénéficié du soutien de la liga espagnole à travers son département spécialement dédié à l’Afrique. Au cours de la pandémie du covid-19, la Liga a envoyé des consultants business du FC Séville à Young Africans dans le but de transformer le club en entreprise », a-t-il révélé.
Après l’examen de la situation, il fallait maintenant poser le problème et apporter des solutions concrètes pour démarrer les projets de modernisation. Et l’une des solutions incontournables dans le sport business, c’est de trouver des sponsors et des partenaires qui investir. Contrairement à beaucoup de pays africains, les Tanzaniens ont compris que le football n’est plus un simple jeu mais du jeu business. En plus des oligarques mécènes qui soutiennent les clubs, les dirigeants du football tanzanien ont pu convaincre des partenaires sérieux qui les accompagnent. Parmi ces partenaires financiers, on a le groupe audiovisuel Azam qui détient les actuellement les droits TV du championnat, les coupes nationales et diffusent aussi les campagnes CAF des clubs locaux. En 2021, le groupe Azam et la fédération tanzanienne de football avaient révisé l’accord sur les droits TV pour un nouveau montant de 97 millions de dollars et ce, sur la période 2021 – 2031. Ce deal entre Azam et la fédération tourne autour de trois objectifs majeurs : la visibilité du championnat sur le plan local, une source de revenue importante pour les clubs qui percevront des droits tv à chaque fin de saison et aussi une visibilité du championnat sur le plan international puisque le bouquet Azam émet aussi hors Tanzanie. « Azam TV vend désormais le championnat tanzanien à l’extérieur et ça génère des revenus », nous a confié le consultant sportif Anthony Pla.

Le consultant sportif Anthony Pla. Ph : Pouiré Service

En dehors du diffuseur Azam TV qui est une importante source de revenue, il y a également des sponsors qui accompagnent sérieusement les pays. On a par exemple Simba SC avec son sponsor m-Bet, Azam FC avec Azam tv ou encore Young Africans SC avec SportPesa.

A la fin de la saison 2022-2023, Young Africans a été spécialement primé par son sponsor principal SportPesa à hauteur de 405 000 000 de shillings tanzaniens soit plus de 160 000 dollars USD pour avoir remporté le championnat et la coupe de la fédération.

 

 

 

Les supporters avec la billetterie apportent aussi aux clubs…

Aux côtés des droits TV et les sponsors, la billetterie constitue également une importance source de finance pour les clubs tanzaniens. Les supporteurs jouent pleinement leur rôle en partant régulièrement au stade pour assister aux matchs. « Le public va au stade. Les stades en Tanzanie sont pleins », a commenté sur ce sujet le consultant sportif Anthony Pla. Cet engouement des supporters pour le football local a aussi été témoigné par des acteurs directs. « Le derby Yanga-Simba c’est autre chose, c’est comme peut-être le derby Real Madrid v Barcelone », a confirmé le milieu de terrain Burkinabè et ancien joueur de Simba SC, Ahmed Ismaël Sawadogo.
Les jours de derby entre Simba SC et Young Africans, le Benjamin Mkapa stadium de Dar Es Salaam d’une capacité de 60 000 places accueille près de 40.000 spectateurs. En 2018, ce derby a réussi à mobiliser près de 70 000 spectateurs, un record d’affluence dans l’histoire des confrontations entre ces deux clubs rivaux. Lors de la finale aller de la coupe CAF 2023 entre Young Africans et USM Alger au Benjamin Mkapa stadium, plus de 50 000 tickets avaient été vendus avant même le jour du match.
En octobre 2023, le duo CAF- FIFA a eu l’ingénieuse idée de lancer l’African Football League à partir de la Tanzanie. Et c’est toujours le Benjamin Mkapa Stadium qui a arbitré la cérémonie d’ouverture suivie du match d’ouverture entre le Simba SC et le géant égyptien Al Ahly. Les organisateurs ont probablement fait ce choix compte tenu de l’effervescence qu’à le football dans ce pays. Une tendance qui a été confirmée avec une ambiance extraordinaire dans un stade tout rouge rempli des fans de Simba pour le cérémonial d’ouverture. Simba SC a même reçu le titre du meilleur Fan à l’issue du tournoi bien qu’ayant été prématurément éliminé.

Une aperçue de l’ambiance à l’ouverture de l’AFL

 

 

Lire aussi dans cette vidéo : Les supporters de Wydad Casablanca sont les meilleurs d’Afrique. Une vidéo que nous avons réalisé en février 2023 lors de notre passage au Maroc pour la coupe du monde des clubs.

 

Des autorités politiques très impliquées pour le développement du sport

La Présidente de la Tanzanie, Dr Samia Suluhu posant avec les joueurs du Simba au stade. Ph: DR

Le football est une discipline budgétivore et son développement implique assez de moyens. Malgré les efforts de la CAF et de la FIFA, le football africain demande continuellement des moyens de la part des gouvernants surtout pour la mise en place des infrastructures. En Tanzanie, les dirigeants sont dans cette dynamique. La présidente Samia Suluhu, une passionnée du ballon rond, suit avec grand intérêt l’évolution du football dans son pays. Pour motiver les athlètes, elle n’hésite pas de temps en temps à donner des « primes présidentielles »  aux sélections et/ou aux clubs tanzaniens engagés en campagne africaine. Le dernier geste en date, c’était au match d’ouverture de l’African Football League où la Présidente Suluhu avait promis des primes aux joueurs de Simba à chaque fois qu’ils arriveraient à faire trembler les filets du Al Ahly.

Les autorités Tanzanienne investissent aussi dans la construction des infrastructures sportives. Le cas récent est la réhabilitation du complexe sportif Amaan de Zanzibar.

Le nouveau complexe sportif Amaan. Ph: com simba

Ces projets de réhabilitation ou même de construction d’infrastructures  vont naturellement se poursuivre avec la co-organisation (Tanzanie-Ouganda-Kenya) de la coupe d’Afrique des Nations 2027.
En Tanzanie, l’accent est aussi mis dans de la formation talents. La fédération offre permanemment des formations aux jeunes athlètes. Le championnat des petites catégories se tiennent régulièrement en marge du championnat d’élite et les encadreurs reçoivent régulièrement des stages de perfectionnement. Cet investissement dans la formation est perceptible avec la sélection nationale, l’unité de mesure du niveau du développement du football pour chaque pays. Sur la liste des 27 joueurs retenus pour disputer la CAN en Cote d’ivoire, 14 parmi eux évoluent dans le championnat local.

Joueurs de l’Afrique subsaharienne, allons chercher mieux en Tanzanie !

A défaut de pouvoir aller monnayer son talent hors du continent, la Tanzanie semble devenir une alternative privilégiée pour les joueurs de l’Afrique subsaharienne. Même les présidents de clubs y trouvent leur compte en cédant aisément leurs meilleurs joueurs. L’illustration parfaite avec le club ivoirien ASEC Mimosas qui, même jouant les premiers rôles des campagnes africaines ces dernières saisons, est devenu le principal pourvoyeur de talents aux clubs tanzaniens. En deux saisons, le président Roger Ouegnin a cédé 4 de ces meilleurs joueurs aux tanzaniens. Stephane Aziz Ki, Pacôme Zouzoua et Yao Attohoula se sont retrouvés au Young Africans SC et Aubin Kramo au Simba SC.

Les trois anciens de l’ASEC au Young Africans.
De la gauche vers la droite Pacôme Zouzoua, Aziz Ki et Yao Attohoula
Ph: DR

« Ce sont des gens qui aiment le football et qui mettent aussi les moyens dans le football. C’est ce qui attire beaucoup plus les joueurs », a justifié l’ancien de Simba Ismaël Sawadogo, de ce qu’on pourrait appeler la ruée vers la Tanzanie.
« C’est juste une question d’organisation. Quand c’est bien, ça attire toujours. Les joueurs ont compris qu’il y a du sérieux qui se fait de l’autre coté en Tanzanie. Vous savez très bien comment les problèmes de salaire se posent dans nos championnats ici. Là-bas, ce n’est pas le cas. Les joueurs qui évoluent en Tanzanie en témoignent du sérieux qui est autour du championnat », explique Ablam Gnamesso, journaliste sportif du Benin.

 

 

Les athlètes, eux, n’evoquent pas l’aspect financier. Ils justifient plutôt leur aventure tanzanienne par le niveau du championnat. « C’est un championnat d’un niveau élevé, il y a beaucoup de visibilité (…) c’est un championnat qui est classé parmi les cinq plus grands championnats d’Afrique. Les clubs ont des grandes ambitions. Apres une année passée, je suis déjà satisfait. Sur 4 trophées nous avons gagné 3 parce qu’il y avait un bon projet sportif et c’est ce qui est le plus important pour un footballeur », note l’international Burkinabè et sociétaire de Young Africans SC Stéphane Aziz Ki.

Le classement CAF des meilleures ligues en Afrique selon l’IFFHS en Mars 2023 donnait le championnat tanzanien 5e derrière celui du Soudan et devant l’Afrique du sud. Le top 10 des meilleurs clubs africains selon toujours l’IFFH au 31 octobre 2023 place le Young Africans SC à la 4e place.

Moussa Ramdé de Medias

 

 

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